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Les défilés du 14 juillet sont, dans l’inconscient collectif, associés à la prise de la Bastille.
En réalité ce n’est pas l’événement de 1789 qui est célébré mais celui de la fête de la fédération qui s’est déroulée un an plus tard, le 14 juillet 1790.

Comment en est t’on arrivé à ce glissement de date ?

Un rappel de ces épisodes révolutionnaires m’apparaît indispensable, pour cela je procéderai en 4 actes :

o Le contexte
o L’événement
o Les célébrations
o Le mythe révolutionnaire et l’idéal républicain

La prise de la Bastille - Jean Pierre Houel ( 1789 )

La prise de la Bastille - Jean Pierre Houel ( 1789 )

I – Le contexte

L’affaiblissement du pouvoir royal, croissant depuis la victoire du tiers Etat aux Etats généraux du 23 juin 1789 ( Les trois ordres ayant désormais la possibilité de siéger ensemble et non séparément comme le roi le souhaitait ) conjugué au renvoi de Necker, alimentent rumeurs et tensions dans le Paris de cet été 1789.

Sous fond de désordre, des appels aux armes sont lancés par Marat et Camille Desmoulins.
Les heurts entre la foule et les soldats chargés du maintien de l’ordre, les pillages et les incendies se multiplient.

La carence des autorités municipales ne permet plus d’assurer la sécurité des biens et des personnes.

Face à cette confusion, chacun tente de se protéger. Les bourgeois décident de former une milice qu’il faut armer et c’est une véritable quête d’armes et de poudre qui s’engage, et qui aura pour conséquence de conduire la foule vers la Bastille le 14 juillet 1789.


II – L’événement

L’événement c’est d’abord un lieu que le roi eut un temps songé à faire détruire : la Bastille.

A la fois forteresse, dépôt d’armes et de munitions et prison, l’enceinte compte un contingent de 110 gardes dont 30 gardes suisses et 80 invalides de guerre auxquels s’ajoutent 7 prisonniers.

Son gouverneur, le marquis de Launay sera vite débordé face au peuple de Paris en recherche d’armes et de poudre.
Le témoignage de Chateaubriand, dans ses mémoires d’outre tombe « J’assistai, comme spectateur, à cet assaut entre quelques invalides et un timide gouverneur » souligne de façon on ne peut plus claire, l’ambiance de fébrilité qui régnait à cet instant.

Céder aux assaillants en abaissant le pont levis fut une erreur qui déclencha une fusillade faisant une centaine de morts.

Triste sort que celui du marquis de Launay !

Après avoir tout raté ce jour là : la négociation avec les émeutiers ; la défense de la forteresse ainsi que son suicide, il finit par se faire décapiter par un boucher en arrivant à l’hôtel de ville où la foule l’a conduit.

Comble du macabre, la tête tranchée du gouverneur est promenée au bout d’une pique, dans Paris, par un cuisinier ivre nommé Desnots.

Ce rituel inédit, très apprécié des Parisiens, se renouvellera en devenant, par la suite, une simple formalité.


III – Les célébrations

Comme je l’ai évoqué précédemment la situation de troubles et d’affaiblissement du pouvoir central favorise la création, dans les provinces Françaises, de fédérations de gardes nationaux.

Ces derniers font office de milices citoyennes formées sur le modèle de la garde nationale de Paris commandée par le marquis de La Fayette.

Face à un pays qui se déchire, le marquis entreprend une subtile démarche de réconciliation.

Il fonde une grande fédération nationale, réunissant les représentant des fédérations locales. Puis s’inspirant des fêtes civiques spontanées, il organise le 14 juillet 1790 à Paris, sur le champ de Mars une grande fête de la fédération.

C’est l’événement qui, tout en fêtant la prise de la Bastille, doit marquer l’unité et la réconciliation du peuple Français.

Fête de la Fédération au Champ de Mars - le 14 Juillet 1790 - Charles Thévenin 1796

Fête de la Fédération au Champ de Mars - le 14 Juillet 1790 - Charles Thévenin 1796

Le champ de Mars fera l’objet de travaux d’aménagements ayant pour but de le transformer en un vaste cirque, pouvant accueillir jusqu’à 100 000 personnes, au centre duquel s’élève un majestueux autel dédié à la fraternité.

Tout est fait pour créer les conditions favorables à l’unité. Les travaux et les préparatifs se déroulent dans un climat d’enthousiasme.
La bonne volonté des parisiens est sollicitée et chacun a la possibilité d’apporter sa contribution.

Le jour de la célébration, 100 000 soldats fédérés arrivent de tous les départements et défilent de la Bastille au champ de Mars.

La cérémonie, devant l’immense foule Parisienne, comprend une messe célébrée par Talleyrand, puis l’instant solennel où La Fayette prête serment de fidélité à la nation, au roi et à la loi.

Louis XVI jure fidélité aux lois nouvelles et accepte la constitution.

A cet instant la monarchie n’est plus contestée et la révolution semble un lointain souvenir, et pourtant tout le monde connaît la suite.

Fête de la Fédération - serment de Lafayette - Auteur "Anonyme" vers 1790

Fête de la Fédération - serment de Lafayette - Auteur "Anonyme" vers 1790

Pendant plus d’un siècle la célébration du 14 juillet est abandonnée jusqu’à ce que la III République, pour des raisons liées à la survie de son régime, la reconduise.

Benjamin Raspail, député de la Seine, propose de retenir le jour de la prise de la Bastille comme date de fête nationale.
Cependant plusieurs députés, jugeant cet épisode trop sanglant, proposent le jour de la fête de la fédération.
Le choix de cet événement, nettement plus consensuel, fut retenu et le défilé militaire organisé à cette occasion s’inspire du défilé des fédérés.


IV – Le mythe Révolutionnaire et l’idéal Républicain

La célébration de la fête nationale est très souvent associée à la prise de la Bastille !

La place que prend cet événement, dans l’inconscient collectif, s’explique par la dimension mythique que l’histoire lui a été donné.

Pourtant les émeutiers marchant vers la Bastille y voient plus un dépôt d’armes que le
symbole d’un pouvoir arbitraire.

Pour les contemporains, la prise de la forteresse revêt un caractère purement anecdotique. Au sujet de cette date, le roi n’aurait t’il pas inscrit « Rien » dans son journal ?

Quant à l’assaut il n’a rien de glorieux, au point que la plupart des invalides, censés défendre la Bastille, auraient retourné leur veste afin de se faire passer pour des prisonniers et avoir la vie sauve.

L’histoire tend à donner du relief à l’événement, cependant deux éléments ont largement contribué a faire de ce jour un symbole révolutionnaire de référence.

Tout d’abord la nature et l’enchaînement des événements de 1789. Du serment de jeu de paume à la prise de la Bastille, de l’abolition des privilèges à la déclaration des droits de l’homme tout se joue lors de cette année qualifiée de « sans pareille ».

Ensuite la machinerie de « la propagande » révolutionnaire, vient construire le mythe en magnifiant l’événement pour justifier héroïsme populaire.
Pour attester de leur civisme des brevets de vainqueurs sont distribués aux assaillants de la Bastille ; lors de la déconstruction de la forteresse chacun veut son bout de Bastille…

Le même schéma se reproduit autour de la personne de Joseph Bara.
Tué à l’âge de 14 ans par les Vendéens, il deviendra une véritable icône Républicaine.

La mort de Bara par Joseph Weerts - 1880

La mort de Bara par Joseph Weerts - 1880

Bien qu’elle soit d’une portée fondatrice, la révolution provoqua l’extrême division des Français entre Révolutionnaires et contre Révolutionnaires.

Division qui se retrouve sur l’hésitation du choix de l’année à commémorer, 1789 ou 1790, et sur la confusion de chacun quant à la portée symbolique de ces deux dates.

L’idéal Républicain tente de faire de cette déchirure un symbole d’union ! C’est la raison d’être de la fête de la fédération et des célébrations qui ont suivi.

Mais la mémoire collective retiendra du 14 juillet le symbole d’un vent de liberté et d’égalité soufflant sur le pays.
En revanche la dimension fraternelle et unitaire constituent des valeurs communes nettement moins perceptibles.


A bientôt pour de nouvelles histoires d’histoires »


Les sources et pour plus d'infos

Les collections de l'histoire n°25 - La révolution française
La documentation Française - Dossier n° 8054 - La révolution - Jean Clément Martin
Dictionnaire critique de la révolution Française - Furet - Ozouf – Champs Flammarion
La révolution en questions - Jacques Solé - Points histoire
Les origines culturelles de la révolution Française - Jacques Chartier - Points histoire

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